Un hy­bride de la pre­mière heure

De la gare d’Ittigen, cinq petites minutes suffisent pour rallier à pied le site de l’ancienne usine Gurit-Worbla à la Mühle et Pulverstrasse, dont les bâtiments ont été rasés entre 2002 et 2016. Entre la Worble, un ruisseau qui se jette dans l’Aar, et un coteau longeant la rivière, la parcelle un peu ombragée s’étire en longueur. Le campus administratif de trois imposants bâtiments qui a remplacé l’usine abrite depuis 2006 les offices du département fédéral des transports de l’énergie, et de la communication (DETEC). Les quinze années déjà écoulées ont patiné d’un beau gris les façades bois originales conçues par GWJ Architectes à Berne, entourées d’espaces toujours verts avec vue sur le cours murmurant de la Worble.

Une tour qui n’en est pas une

Le bois tient toujours un rôle prépondérant dans le quatrième bâtiment du campus, récemment achevé par Berrel Kräutler ­Architectes – non seulement parce qu’il était l’un des premiers pour lesquels le concours organisé en 2013 exigeait ce matériau, mais encore parce qu’il s’inscrit harmonieusement dans l’ensemble existant, tout en affirmant résolument son caractère propre.

En 2013, ses sept étages en faisaient légalement une tour qui aurait nécessité l’installation de sprinklers. Or, sinon impossible, l’option du bois comme matériau de base aurait été plutôt problématique à l’époque, avant que la révision des prescriptions anti-incendie ne lève cet obstacle deux ans plus tard. Aujourd’hui, le nouveau bâtiment de 600 places de travail à la façade bois finement articulée s’insère à merveille dans la trame bâtie du campus. C’est une construction mixte bois/béton de sept étages, avec un huitième niveau technique en ossature bois. Le bâtiment respecte la norme Minergie et est certifié ­SNBS-Or. La chaleur résiduelle d’un centre de calcul voisin en assure le chauffage et de l’eau de source le refroidissement. Des installations thermique et photovoltaïque couvrent les besoins de base et du courant certifié de provenance hydraulique complète la consommation électrique, si bien que les renouvelables approvisionnent le bâtiment à 100 %, sans rejet de CO₂.

Deux anneaux autour d’une cour

Devant l’entrée principale, une vaste place se déploie entre le bâtiment et le coteau. Le DETEC a opté pour une matérialisation calquée sur les fonctions. Réception, restaurant, bureaux, dépôts, archives, technique et autres fonctions encerclent une cour centrale en béton brut. Tout autour, un premier cercle intérieur accueille – ­selon l’étage – des locaux annexes ou des ­services et s’ouvre, après le passage des portes coupe-feu, sur le second cercle abritant les bureaux derrière la façade. L’atmosphère change soudain, devenant plus chaude et plus lumineuse: les piliers et les parois sont en pin lasuré blanc, de même que les poutres de plafond, qui portent le coffrage perdu à l’arrière.

La façade en pin reproduit la trame intérieure de 1.30 m convenant aux espaces de travail. Les avant-toits circulaires coiffant chaque étage articulent le volume en protégeant l’extérieur des intempéries. En 2013, on avait prévu autant de cellules de bureaux fermées que de places en plateau ouvert, mais on a augmenté ces dernières. Cet aménagement peut être adapté au besoin et offre une marge de manœuvre si le travail à distance ou à domicile s’accroît.

Au rez-de-chaussée, les dalles et appuis auraient dû être façonnés à partir de stocks de hêtre d’armasuisse (Office fédéral de l’armement). Mais lorsqu’il s’est avéré que leur qualité était insuffisante, il a été remplacé par du hêtre lamellé-collé. Le plancher du restaurant et le plafond suspendu au-dessous sont en chêne et l’ossature est en épicéa. Générosité et ouverture distinguent l’ensemble des espaces entourant la cour et les différentes espèces de bois dialoguent harmonieusement. Le hêtre d’armasuisse non employé pour la structure revêt maintenant l’isolation phonique modelée de ­l’auditorium.

Filigrane et coloré

Dans le restaurant, les fenêtres à hauteur d’étage révèlent une autre qualité ­déterminante du projet: le volume bâti ­ménage à côté de la Worble une surface plantée d’espèces alluviales qui vont encore se ­développer. De même vers le coteau, où un espace vert a été inclus dans le concept environnemental, avec l’élargissement d’un chemin pédestre qui traverse la forêt et des éléments d’assise.
Les longs côtés de la cour intérieure sont chacun pourvus d’un escalier de secours d’un effet bien plus sculptural qu’attendu d’un tel équipement: sur la sous-face du béton, l’empreinte de l’habile coffrage en planches de l’escalier se dessine comme l’enroulement filigrane d’un escargot de Bourgogne. À chaque niveau, une fenêtre hermétique offre un aperçu de l’articulation changeante de la cour et de l’escalier jumeau en vis-à-vis. Selon l’étage, des espaces enjambent la cour, créant des voies de traverse – telle la salle de conférence qui, comme un pont, relie une longueur du bâtiment à l’autre. Le mobilier jaune et vert de la salle de repos au deuxième étage de la cour lui confère une remarquable fraîcheur. Et au passage, trois impostes amènent la lumière du jour jusqu’au niveau d’entrée.

Cet article a été publié dans le numéro spécial «Ville en bois – Bureaux, ateliers et autres lieux de travail». Vous trouverez d'autres articles sur le thème du bois dans notre e-dossier.

Participants au projet

 

Maître d’ouvrage: Office fédéral des constructions et logistique OFCL, Berne

Architecture: Berrel Kräutler Architekten, Berne

Ingénierie civile: Dr. Schwartz Consulting, Zoug

Paysage: ORT für Landschaftsarchitektur, Zurich

Construction en bois: Wenger Holzbau, Steffisburg

Production éléments en bois: Hüsser, Bremgarten et Fagus, Les Breuleux

Bâtiment

 

Surface brute (SIA 416): 20 000 m² (1^re étape)

Volume (SIA 416): 75 000 m³ (1^re étape)

Bois et Construction

 

Bois de structure: 630 m³

Épicéa lamellé-collé (HSH): 559 m³

Placage stratifié de hêtre: 55.5 m³ (solives sur rez)

Contreplaqué en hêtre: 15.5 m³ (appuis du rez)

Dates et coûts

 

Concours: 2013

Construction: 2017-2020

Total (CFC 1-9): 81 Mio CHF