«Le réemploi qualitatif du bois doit encore s’imposer»
Le projet de recherche circularWOOD explore les bases d’une approche qui garantirait une économie circulaire pour le bois. Nous avons demandé à ses directrices, Sonja Geier et Sandra Schuster, ce qui doit changer pour qu’elle se concrétise.
À quels impératifs un emploi circulaire du bois doit-il obéir?
Sandra Schuster: À ceux d’un matériau de stockage, dont les composants issus de ressources renouvelables sont exempts d’ingrédients nocifs, séparables et réutilisables. Il doit être issu d’une sylviculture durable et des bois de qualité moindre devraient également à l’avenir pouvoir être mis en œuvre. À la fin du cycle de vie, le démontage non destructif du bâti doit être assuré grâce à des éléments dissociables. Cela implique que les bâtiments recyclables se prêtent à la transformation et à l’adaptation à de nouveaux besoins, avec des assemblages accessibles et un échange d’éléments facilité. Le futur bois d’œuvre d’éléments préfabriqués a une longue durée de vie et participe au stockage temporaire du carbone.
Où en sommes-nous aujourd’hui?
Sonja Geier: Les auspices sont bons. La construction bois moderne s’appuie sur une préfabrication poussée, l’articulation en éléments et une logique d’assemblage de grandes pièces. Cela autorise le réemploi de modules entiers, d’éléments de bâti, ainsi que de composants particuliers. Majoritaires dans la construction bois, les assemblages à sec sont réversibles et, de ce fait, au contraire d’autres modes de bâti, peuvent aisément être démontés sans perte de valeur.
Schuster: Mais nous n’en sommes pas encore là. Seule une fraction du bois usagé est matériellement valorisée dans la production de panneaux de particules, le reste étant voué à un emploi thermique, soit brûlé après sa mise en œuvre initiale. L’important potentiel d’un emploi du bois en cascade est aujourd’hui négligé. S’y ajoute la pression d’usages concurrents, toujours plus demandeurs de biomasse dans d’autres secteurs comme la production d’énergie ou l’industrie chimique.
L’utilisation en cascade devrait donc être étendue?
Geier: Oui, elle est essentielle afin d’accroître l’emploi efficient des ressources et le stockage de carbone pour stabiliser le climat. Cela permet de réduire le potentiel de réchauffement de quelque 10 %.1
Des avantages plus grands encore résident dans l’économie des matières premières primaires auxquelles on substitue du bois usagé. Enfin, le bois contribue à remplacer des matériaux de construction gourmands en énergie fossile et en matière minérale, liés à de forts rejets nocifs. Idéalement, le bois peut être réutilisé sans grand reconditionnement dans une succession d’emplois.
Cet article est paru dans le numéro spécial «Ville en bois – Hôtels et bâtiments en bois pour les loisirs». Vous trouverez d'autres articles sur le thème du bois dans notre dossier numérique.
Quelles possibilités envisagez-vous à cette fin?
Geier: J’en vois à deux niveaux: d’une part, dans la sensibilisation à la valeur intrinsèque du matériau et, d’autre part, dans les innovations techniques et constructives. Dans les textes de référence (et donc dans la perception qu’en ont beaucoup de personnes), le bois reste assimilé à son cycle biologique et non technique. Vu comme une ressource renouvelable, la nécessité de sa réutilisation optimale – à l’instar du recyclage dans les domaines techniques – est en effet négligée. En outre, sa déconstruction est souvent coûteuse et laborieuse. Cela est dû aux habitudes de mise en œuvre jusqu’ici prévalentes dans la construction en bois, avec des structures multicouches, alliées à des assemblages collés et agrafés, auxquelles s’ajoutent des films et des isolants minéraux. Pour assurer le tri sélectif exigé par le recyclage, tout cela doit être désassemblé à grands frais.
Ce qui nous amène sans doute aux innovations techniques évoquées …
Schuster: Exactement, c’est le second point. Quelques spécialistes portent ainsi un regard critique sur les développements des dernières années. Par exemple, l’emploi de matériaux mixtes s’oppose au principe de pureté variétale à la base du concept cradle-to-cradle. Les études de cas et recherches menées dans le cadre de circularWOOD montrent que des assemblages démontables sans destruction impliquent de gros investissements en études et développement, car il n’existe pour l’heure pas de solution d’assemblage réversible standard. Or, comme le montrent nos examens préliminaires, l’efficacité statique actuellement obtenue au moyen d’assemblages boulonnés n’est pas une option d’avenir. À la place se profilent des avancées prometteuses faisant appel à des moyens de connexion statiquement convaincants qui pourraient très rapidement trouver leur marché.
Geier: Précisons à ce propos que la recherche de produits matériellement plus efficients est en cours, par exemple avec le projet LaNaSys.2 Le potentiel d’assemblages bois-bois, y compris pour des bois durs de haute performance, est déjà exploité dans des projets pilotes et devrait bientôt se diffuser aussi dans la pratique.
Notes
1 Höglmeier et al. 2015
CircularWood
Le projet examine l’état d’avancement de l’économie circulaire dans la construction bois en Allemagne et en Suisse. Le questionnement portait sur l’extensibilité de projets pilotes à une mise en œuvre plus large. L’adaptation des conditions cadres, la motivation des commanditaires et les développements nécessaires au niveau des pratiques de construction constituent des pistes de recherche. Le travail a analysé la littérature de référence et les activités de recherche en cours et repose en majeure partie sur des observations empiriques basées sur l’interview d’expert·e·s, sur quatre études de cas et sur des questionnaires partiellement standardisés. Le projet a été soutenu par l’Institut fédéral (allemand) du logement, de l’urbanisme et du territoire (BBSR) sur mandat du Ministère fédéral du logement, du développement urbain et de la construction (BMWSB) et financé par le programme d’innovation pour l’avenir de la construction.