«Le concours favorise l’expérimentation fine»
Répondre par une synthèse formelle à des problématiques de plus en plus complexes et urgentes est le travail d’expérimentation auquel se livre à chaque concours le jeune bureau genevois A&F.
Quelle est la situation du concours en Suisse romande?
En préambule, nous souhaitons souligner que nous sommes convaincus que la qualité de notre environnement, bâti et naturel, vient de procédures méritocratiques et ouvertes à des réponses singulières. Nous pensons que chaque type de procédure à sa raison d’être, pour répondre aux besoins des collectivités.
Cependant, nous constatons une augmentation des procédures sélectives, au détriment des procédures ouvertes, parfois, sans que le programme ne le justifie, par son ampleur ou sa complexité. Au risque de déséquilibrer un système qui favorise pourtant la qualité. En Suisse, le nombre de bons bureaux qui participent régulièrement aux concours est élevé, ce qui tire le niveau vers le haut. Peut-être faut-il préciser les règles qui justifient l’utilisation d’une procédure sélective, plutôt qu’un concours ouvert. Préservons l’exemplarité et la capacité d’innovation du système Suisse!
Nous avons fait l’expérience de ce processus méritocratique, propre à la Suisse, qui permet à un jeune bureau d’acquérir progressivement l’expérience, pour ensuite accéder aux procédures sur sélections. Ce parcours offre aux architectes la possibilité de se confronter, de se former en continu et de progresser, surtout dans l’échec.
En effet, notre bureau a été créé suite à notre participation au concours international Europan Suisse, réservé aux architectes âgés de moins de 40 ans. Nous avons été désignés lauréats aux éditions Europan 10 à Nyon et Europan 11 à Monthey et avons remporté les mandats de planifications urbaines. C’est donc sur les bases de concours gagnés que notre bureau a été fondé. En 2015, nous avons gagné notre premier concours ouvert SIA, pour la construction d’un collège primaire dans le quartier des Fiches Nord à Lausanne, projet aujourd’hui en phase de finalisation. En 2017 nous avons gagné le concours sur présélection pour la construction d’un quartier de logement à Collex-Bossy. Nous étions retenus comme jeune bureau…
Ce parcours progressif, au travers de procédures de plus en plus sélectives pour l’accès au marché public, nous semble illustrer la nécessité du concours ouvert, ainsi que l’importance de faire une place aux jeunes bureaux, dans les procédures sélectives. Car la réponse la plus clairvoyante vient parfois de la jeune génération.
Le concours favorise-t-il l’expérimentation?
Nous jugeons que le concours, surtout lorsqu’il est ouvert, favorise l’expérimentation fine, plutôt que spectaculaire. Le projet a besoin d’atteindre un consensus, plus ou moins large, pour pouvoir être réalisé, en répondant aux besoins sociétaux et environnementaux toujours plus complexes. Or, presque paradoxalement, la réponse doit affirmer un parti clair, synthétique. Et c’est là le cœur de notre expérimentation: une synthèse formelle répondant à des problématiques complexes.
C’est donc à travers cette recherche que nous expérimentons. Il ne s’agit pas de simplifier, mais de faire éclore de nouvelles façons de construire notre environnement et parfois de fournir un nouveau point de vue et des qualités inattendues. La demande évolue et la manière de la mettre en forme aussi.
D’autre part, l’expérimentation fait partie de notre approche, pour répondre aux préoccupations liées à l’état de notre environnement et aux changements nécessaires pour le préserver. Notre génération est directement impliquée dans cette démarche qui oblige parfois à dépasser le cahier des charges. Puisque l’action ne peut être que collective, chacun à son niveau de responsabilités.
Faut-il faire évoluer les concours?
Les concours ouverts en deux phases anonymes devraient évoluer et se développer: une première phase réduite, sans maquette, focalisée sur la recherche de partis stratégiques; une deuxième phase de projets développés avec un nombre limité de participants rémunérés.
Cette manière de faire aurait pour conséquence de limiter l’investissement des maîtres d’ouvrages dans l’analyse des rendus et de favoriser les jeunes bureaux. Ces derniers disposant de moins de moyens, pour multiplier les participations coûteuses aux concours ouverts. En Suisse romande, nous bénéficions de jurys qualifiés pour rendre cette méthode efficiente et méritocratique.
Pour les maîtres d’ouvrages qui optent pour la procédure sélective, c’est la proportion de jeunes bureaux qui mériterait d’être revue à la hausse.
A&F architectes est une agence fondée en 2018 à Genève par Alberto Figuccio (*1981) et Mehdi Aouabed (*1979). Précédemment nommée « Fil Rouge Architecture » depuis le 2010.
Concours primés
2017 Concours sur présélection pour des logements et un IEPA, Collex-Bossy (Genève) - 1er prix
2015 Concours ouvert pour le nouveau Collège primaire des Fiches Nord, avec apems et une salle de Gym à Lausanne - 1er prix
2013 Concours sur présélection pour la nouvelle entrée de l’HEIG-VD à Yverdon-les-Bains - 1er prix
2012 Concours d’architecture EUROPAN 11 pour un Eco quartier,̀ Monthey (CH) - 1° prix
2011 Concours ouvert pour la construction d’un immeuble de logements au quartier des Grottes à Genève - 4e prix
2010 Concours d’architecture EUROPAN 10 pour un Eco quartier,̀ Nyon - 1° prix
Pour accompagner le dossier thématique sur les concours de l'édition de janvier 2021 de TRACÉS, nous avons posé trois questions aux lauréats de concours d’architecture 2015-2020 de moins de 40 ans. Nous leur avons également demandé de choisir un concours déterminant dans leur jeune carrière ainsi qu'une référence.
- Atelier isaa: un besoin de renouvellement
- Nicolas de Courten architectes: La contrainte fertile
- Sujets et Objets d’Architecture: la face cachée de la compétitivité
- Comte/Meuwly: Le concours comme opportunité d'expérimentation
- Stoa: franchir le Wettbewerbgraben
- Atelier 703: Le concours en dialogue
- MAK: la relève qui s’établit
- APZ: retrouver le projet radical
