Le Tropicario à Bogota: un modèle de résilience environnementale
Le Tropicario, une architecture nichée au cœur du Jardin Botanique de Bogota, émerge comme un phare de durabilité et d'éducation environnementale en Colombie. Un pays d'Amérique du Sud, reconnu pour sa biodiversité unique, mais confronté à des défis majeurs de déforestation et d'exploitation des ressources.
La Colombie possède l'une des biodiversités les plus riches au monde, notamment en matière d’oiseaux, d’orchidées et de papillons. Malgré cette richesse, ce pays d'Amérique du Sud fait face à des taux élevés de déforestation et d'extraction des matières premières, résultant de l’exploitation minière illégale, de l'élevage extensif de bétail et l'exploitation forestière aveugle.
Dans le cadre d'une stratégie de conservation et de protection des écosystèmes, le Jardin Botanique de Bogota a développé l'initiative «Nœuds de diversité», une nouvelle expédition botanique dans différentes régions du pays visant à protéger et améliorer certains des écosystèmes les plus menacés du territoire colombien. Le Tropicario, épicentre de cette initiative, est bien plus qu’une construction remarquable. Il est conçu comme un espace dédié à l’exposition et à la promotion des résultats de ces expéditions botaniques.
Pour sa réalisation, le Jardin Botanique de Bogota a lancé un concours d'architecture en 2014, remporté par le bureau colombien De Arquitectura y Paisaje (DARP), dirigée par les architectes Jaime Eduardo Cabal et Jorge Emilio Buitrago. La construction du Tropicario a débuté en 2016 et s’est achevée en 2020.
Récompensé à plusieurs reprises, le Tropicario a remporté des distinctions notables, dont le Prix Mondial de la Biennale Panaméricaine d’Architecture et le prix Lápiz de Acero» en Colombie.
Le site et le terrain: des facteurs clés
Les architectes du DARP ont pris en compte de nombreux éléments lors de la conception, dont la topographie de Bogota, située à 2 600 mètres d'altitude. La capitale colombienne, nichée au centre du pays, est entourée par les montagnes des "cerros orientales" à l'est et le fleuve Bogota à l'ouest. Il y a 20 000 ans, ce territoire était un vaste lac, mais aujourd'hui, la ville a drainé la plupart des zones humides pour le développement urbain, ignorant l’importance écosystémique de ces dernières.
Le Tropicario a été érigé sur l'empreinte d'une ancienne structure en détérioration avancée. Pour préserver plus de 70 palmiers à cire environnants – l’arbre national de Colombie en voie d'extinction, les architectes ont adopté un système de formes flexibles.
«Pour concevoir ce projet, la question de départ était de savoir comment se rattacher au paysage de la savane de Bogota. Le projet devait fonctionner comme un espace de diffusion et d'enseignement des valeurs environnementales et des menaces qui pèsent sur ce territoire, et également comme un moyen de contribuer à la culture du paysage local. D'un point de vue conceptuel, nous avons cherché à faire fonctionner les différentes zones du programme architectural comme des espaces flottants au sein d'un marais, l'écosystème propre de la savane de Bogota. Pour cela, nous avons pris comme références l'architecture amphibie développée par l'ingénierie préhispanique (Chinampas, Camellones, îles flottantes)», expliquent les architectes de DARP.
Une autre considération cruciale a été l'intégration du Tropicario dans la structure existante du jardin botanique, renommé pour son rôle éducatif et de sensibilisation. Ainsi, le Tropicario est une partie intégrante de la visite générale du jardin botanique, son architecture s'insérant de manière fluide et naturelle dans le parc.
Une architecture en harmonie avec l'environnement
Le Tropicario se compose de six collections distinctes: Forêt Humide, Forêt Sèche, Collections Spéciales, Plantes Utiles, Superpáramos et Biodiversité. Chaque espace est abrité dans une structure semblable à une serre. Ces espaces flottants, reliés par un marais artificiel, recréent les conditions bioclimatiques de différents étages thermiques et climats colombiens, offrant une expérience éducative unique.
Avec une surface construite totale de 3787 m2, la configuration en serre et la façade vitrée rappellent, d'une manière contemporaine, le Crystal Palace de Joseph Paxton, érigé en 1851 à Hyde Park à Londres pour l'exposition universelle.
Les serres du Tropicario varient en hauteur: 20 mètres pour la plus haute abritant la collection Forêt Humide et 8 mètres de haut dévoilant la collection Plantes Utiles. La superficie totale des dômes est de 2 600 m2.
Développements techniques sur mesure
Sur le plan technique, de nombreux développements ont été proposés. Des systèmes passifs de contrôle de la température ont été intégrés. En effet, des verres de différentes épaisseurs, des filtres, ainsi que des systèmes automatisés d’ouverture et de fermeture ont permis d’économiser la mise en place d’un système de ventilation mécanique pour l’ensemble des 6 dômes du Tropicario.
Chacune des structures fonctionne comme un réservoir d'eau. Un oculus (œil-de-bœuf) a été incorporé dans la partie supérieure de chaque dôme, permettant de collecter l'eau de pluie et de la conduire vers des lacs situés à l'intérieur des espaces puis vers le marais artificiel périphérique. Ce dernier fonctionne comme un grand réservoir d'eau utilisé pour les systèmes d'irrigation de la végétation, créant ainsi un cycle fermé.
Afin de préserver les conditions de températures requises pour chaque espace, un système de seuil de transition a été conçu. Ces seuils accueillent les contrôles techniques des serres ainsi que les sorties de secours nécessaires.
Le système structurel repose sur des pieux en béton enfoncés à 30 mètres de profondeur, laissant l'espace libre pour des zones de plantation profondes. Les murs inclinés en béton agissent comme des "pots de fleurs" et les piliers métalliques de 30 cm de long sur 10 cm de large autour du périmètre forment des “paniers structurels” et créent une structure spatiale autoportante, éliminant le besoin de colonnes intérieures.
«L'urgence environnementale que connaît notre planète impose que le projet public soit pensé en symbiose avec les logiques urbaines et environnementales, afin de sauvegarder le patrimoine environnemental de tous», explique l'architecte Jorge Buitrago.
Le Tropicario est bien plus qu'un projet architectural récompensé par des prix prestigieux ou une destination touristique incontournable. Il s’agit d’un engagement à construire une culture du paysage qui transmet un message urgent de conservation mondiale. Son rôle d'outil pédagogique et son intégration harmonieuse dans l'environnement sont des étincelles d'espoir dans la bataille pour la préservation de la biodiversité.
Informations générales
Bureau d'architecture : DARP (De Arquitectura y Paisaje)
Date du concours : 2014
Année de début de construction : 2016
Année d’achèvement de la construction : 2020
Superficie totale construite : 3 787 m2.
Maître d'ouvrage : Jardín Botánico de Bogotá José Celestino Mutis.
Ingénierie : CNI Ingenieros.