4 PACA = 1 VTT

C’est fait: après plus d’un an de travail collaboratif, la VTT a trouvé sa forme quasi définitive. Si le document est finalisé, le processus partenarial qui a fait l’originalité de la démarche a-t-il pour autant vocation à s’éteindre? Non, car la collaboration de tous les acteurs reste la condition nécessaire à la mise en œuvre de la vision territoriale.

Data di pubblicazione
21-05-2024

Après un processus de réflexion collective engagé en septembre 2022 (voir les cinq chroniques que nous avons déjà consacrées à la démarche dans TRACÉS), la Vision territoriale transfrontalière (VTT) pour le Grand Genève 2050 a trouvé sa forme quasi définitive: un document de 124 pages et ses annexes, mis en consultation auprès de quelque 300 partenaires du Grand Genève – administrations, institutions partenaires, communes, ainsi qu’un certain nombre d’associations – du 18 mars au 24 avril 2024. Enrichi de leurs retours, il sera ensuite validé par l’Assemblée du Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) en juillet 2024 avant d’être présenté au public en septembre 2024.

La Vision, non contraignante juridiquement, a l’ambition d’être un cadre de référence pour la révision des planifications locales et régionales: plan directeur cantonal genevois, schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Genevois français, plan directeur régional du District de Nyon, projet d’agglomération, etc. À quoi ressemble donc ce document stratégique, qui doit convaincre sans contraindre, emporter l’adhésion des acteurs locaux – élus, techniciens et citoyens – en transmettant un message suffisamment clair afin que chacun prenne la mesure de la hauteur de marche à franchir pour répondre aux enjeux de la transition? Comment assembler en une unique vision cohérente et synthétique les quatre pièces du puzzle territorial (les quatre PACA: Arve, Chablais, Jura, Rhône, voir ci-contre) sur lesquelles quatre équipes ont travaillé selon leurs propres méthodes et avec leurs propres concepts?

Renouveler la planification autant que le langage pour créer un récit commun

Dès ses prémices, la démarche a été placée sous le signe de l’urgence et du changement de paradigme nécessaire pour atteindre l’objectif «zéro carbone» en 2050. Cette ambition impliquait de revoir tant les méthodes que les concepts traditionnels de l’urbanisme, ainsi que les mots et les images pour les exprimer. C’est bien l’ambition de la VTT, qui renouvelle le langage de la planification en enrichissant le couple «urbanisation-mobilité» pour privilégier une réflexion transversale et d’hybridation et mettre en avant d’autres formes de «développement urbain». Les équipes PACA avaient déjà introduit de nouvelles terminologies («communautés rétablies et renforcées» du PACA Rhône, «centralités contemporaines décentralisées» ou «constellations de villes et de villages» du PACA Chablais, par exemple).

Le terme même de « développement » disparaît au profit de mots en «re»: reconnexion, revitalisation, régénération, rééquilibrage. Les futurs développements ne devront donc plus s’écrire sur des pages blanches, mais sur un territoire déjà construit, limité dans ses ressources, soumis à de multiples pressions, qui doit se redéployer sur lui-même en limitant drastiquement ses émissions de GES. Croître reste possible – et nécessaire puisque les prévisions de croissance retenues sont élevées1 –, mais avec sobriété et en posant des conditions fortes au développement. La vision confirme que cette croissance peut être accueillie dans le territoire déjà construit: «En ce qui concerne l’accueil de population et d’emploi, la VTT démontre que les surfaces déjà urbanisées sont suffisantes pour accueillir la croissance de l’agglomération.»2 

La Vision pose ainsi trois principes:

  • ménager: prendre soin du territoire,
  • renouveler: améliorer ce qui existe,
  • hybrider: intensifier les services rendus.

Ces principes s’incarnent dans deux axes: «primauté du socle du vivant» et «agglomération multipolaire et équilibrée», eux-mêmes décomposés en trois modes d’action: préservation, reconnexion, revitalisation pour le premier; régénération, mise en réseau, circularité pour le second.

Pour Igor Andersen, du bureau Urbaplan, en charge de la mise en forme du document final (et préalablement mandataire du PACA Jura), l’enjeu est de clarifier un projet, une culture et un récit communs, pour que la Vision devienne un document de référence; comme l’ont été les premières générations de projets d’agglomération, qui n’avaient pas non plus de valeur juridique, mais auxquelles les élus se sont référés comme s’il s’agissait de plans directeurs.

Territoires d’illustration

Pour montrer un futur possible à l’horizon 2050 et la diversité des modes d’action mobilisables pour y parvenir, sans pour autant faire de prescriptions aux communes, la Vision propose d’«exemplifier localement les principes de la VTT» sur des «territoires d’illustration». Les six territoires retenus sont représentatifs des différentes situations spatiales caractéristiques du Grand Genève, qui appellent chacune des interventions différenciées: espace rural, hameaux et villages en réseau, villages et bourgs satellites, bourgs et petites villes, villes.

Nangy, dans la vallée de l’Arve en Haute-Savoie, est l’un des secteurs retenus pour illustrer ce futur possible (voir page suivante). Avec ses 1700 habitants, son noyau villageois, ses extensions pavillonnaires, sa zone d’activités à proximité de l’autoroute A40 et sa zone agricole qui couvre les deux tiers du territoire, elle peut évoluer vers une typologie de bourg selon la classification retenue par la Vision. En croisant les objectifs issus des deux axes «primauté du socle du vivant» et «agglomération multipolaire et équilibrée», la Vision donne à voir les potentiels d’évolution de la commune vers un environnement décarboné de plus grande qualité à l’horizon 2050: mise en place d’une ligne de car-­express, combinée au bus BHNS qui traverse la commune, nouvelle passerelle enjambant l’A40, rééquilibrage du ratio habitants/emplois par des opérations de renouvellement sur des surfaces dédiées au stationnement, nouveaux commerces locaux, réseau d’espaces verts publics, etc.

Et maintenant? Action!

Pour que la VTT ait un impact sur l’aménagement du territoire, les collectivités locales devront non seulement s’approprier ses concepts, mais aussi passer à l’action avec leurs compétences, leurs moyens et leurs outils – et le faire rapidement.

Ariane Widmer, urbaniste cantonale, et Mathieu Petite, son adjoint, sont confiants: les élus et les techniciens, parce qu’ils ont été partie prenante de la démarche depuis 2022 et ont contribué à la consolidation progressive de ses principes, seront des alliés précieux dans la mise en œuvre de la VTT. Ils sont aussi conscients des difficultés soulevées par les sujets ouverts par la démarche et pour lesquels les discussions doivent pouvoir se poursuivre (sur les thématiques du foncier et du logement, de la ressource en eau ou de la santé, par exemple).

Quels sont les enjeux pour la suite? La dernière partie du document propose des pistes concrètes, actions immédiates, chantiers légaux et réglementaires, coopérations renforcées, grands projets fédérateurs, et invite les acteurs locaux à y contribuer en complétant ces mesures. Pour Igor Andersen, «les actions doivent maintenant se fédérer à tous les niveaux – régional, cantonal, communal pour atteindre une forme d’alignement». Ariane Widmer estime que «la finalisation du document VTT ne doit pas marquer la fin du processus collaboratif, mais au contraire le prolonger: il faut désormais faire vivre la Vision auprès des porteurs de projets. Pour cela, il faut poursuivre les pistes indiquées dans la stratégie de mise en œuvre, en abordant les sujets spécifiques de manière concrète, avec les acteurs directement concernés, en cherchant des réponses aux besoins réels. Cela devrait passer par des gouvernances organisées selon des tailles variables mais dont l’action se mesurera à l’échelle de la VTT et toujours avec une vision globale.»

La Vision territoriale transfrontalière 2050 est l’un des neuf projets nominés pour le Prix SIA 2024 (prixsia.ch). La remise des prix aura lieu le 23 mai 2024.

Depuis septembre 2022, TRACÉS tient la chronique de la démarche Vision territoriale transfrontalière 2050, en partenariat avec l’État de Genève. Cette sixième chronique dévoile la première version de la vision telle qu’elle a été mise en consultation auprès des partenaires du Grand Genève.

INTERVENANTS
 

Direction de projet
État de Genève, Pôle métropolitain du Genevois français, Région de Nyon

 

Collège d’experts
Bruno Marchand (président), Pierre Feddersen (vice-président), Sonia Lavadinho, Hervé Froidevaux, Marlyne Sahakian, Julia Steinberger

 

AMO
Urbaplan

 

Études PACA et thématiques
PACA Arve: AREP (pilote)
PACA Chablais: Studio Viganò (pilote)
PACA Jura: Urbaplan (pilote)
PACA Rhône: Güller et Güller (pilote)

 

Études thématiques
Stratégie mobilité multimodale 2050: Transitec, mrs partner, CBRE
Dynamiques socio-démographiques et capacités d’accueil: 6-t, Urbaplan
Démarche de participation citoyenne: Missions Publiques
Évaluation environnementale stratégique: Urbaplan, Soberco Environnement

Notes

 

1 Pour les prévisions de croissance retenues, voir la chronique «Croître et réduire, l’équation impossible» dans TRACÉS 8-9/2023

 

2 Voir p. 8 de la version pour consultation, mars 2024

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