L'ur­ba­ni­sme du quo­ti­dien

Entretien avec Renato Salvi, architecte de la Ville de Sion

Data di pubblicazione
01-10-2012
Revision
19-08-2015

Tracés : Vous avez été nommé architecte de la Ville en 2011. Après une année d’exercice, quelles sont vos priorités ? 
Renato Salvi : Avec le nouvel aménagement de la vieille ville, les Sédunois ont acquis un nouveau regard qui se porte aujourd’hui sur les carences de ce que j’appelle le « latéral », la périphérie. J’ai fait de ces carences l’une de mes priorités. Je perçois deux façons complémentaires d’engager un changement. L’une par le haut en organisant des concours d’urbanisme et d’architecture, en revisitant le plan directeur communal et son nouveau règlement et en organisant des mandats d’études parallèles afin de trouver des solutions à des problèmes spécifiques délicats et difficiles.
L’autre par le bas, qui s’attelle par des actions plus ciblées et plus petites, à l’amélioration de la vie quotidienne. Nous avons engagé cet urbanisme du quotidien par le biais du végétal. Les préaux d’écoles, par exemple, vont être repensés. De simples espaces fortement minéraux et monofonctionnels, j’aimerais qu’ils deviennent de véritables petites centralités de quartiers, réservées aux élèves pendant les heures de cours, mais ouvertes ensuite à l’ensemble des citoyens. Nous avons donc commencé à y planter des arbres, et à les aménager pour qu’ils deviennent de vrais espaces collectifs et lieux de rencontre et de confrontation. Une architecture paysagère donc à petite échelle, fractionnée, qui, par sa répétition devient peu à peu visible sur l’ensemble du territoire.
A une plus grande échelle, un projet d’agrandissement de l’actuel cimetière de Platta s’inscrit dans cette démarche paysagère. Il date des années 1970 et surplombe la vallée en terrasses. C’est un endroit que je trouve particulièrement remarquable de par sa situation. Une extension va être réalisée par l’architecte Lucien Barras du bureau Nomad architectes. Le projet reprend l’idée des murs de vigne, il acquiert par conséquent une dimension qui invite à la promenade et à la contemplation. A l’instar de certaines autres villes en Suisse, nous sommes également en train de réaliser un inventaire des arbres remarquables de Sion; la ville du XXe siècle possède des cèdres exceptionnels et rares que nous cherchons à tout prix à conserver. 
Une réelle complémentarité donc entre un urbanisme à petite échelle (aménagement des préaux, identité végétale de certains quartiers, rénovation du patrimoine moderne, ….) et un urbanisme à grande échelle (élaboration du plan directeur communal, aménagement des berges du Rhône, …) s’est instaurée. Cette approche multi scalaire est primordiale car elle permet à la population sédunoise de prendre conscience des différentes temporalités de la planification urbaine et d’accepter les mutations que va connaître sa ville ces prochaines années.

Cette vision paysagère du « latéral » peut-elle aussi être appliquée à l’échelle supérieure? 
Oui. L’objectif est de trouver une façon de l’insérer dans le nouveau plan de zones et son règlement. Nous ne savons pas encore comment le réaliser exactement, mais nous pourrions imaginer d’établir un quota d’arbres par appartement, notamment lors de la réalisation de nouveaux lotissements en évitant les parkings en surface, les sols en dur, des zones de circulation démesurées.
La végétation peut, tout autant que l’architecture, définir un quartier. Plus la zone est architecturalement hétéroclite et diffuse – comme les zones industrielles ou les bords d’une autoroute par exemple – plus le travail paysager est important. Le paysage est encore considéré par la majorité d’entre nous comme, au mieux, un milieu naturel – sans intervention humaine –, au pire comme de la décoration. Or, la construction du paysage, qui est une notion relativement récente en Occident, connaît un regain d’intérêt chez les professionnels, car il améliore tout simplement l’environnement urbain. 
L’ensemble de ces démarches permettrait également de scénariser le territoire : du centre ville fortement minéral, on accéderait aux pentes montagneuses par ces zones de transition modifiées par le travail paysager, mettant ainsi le centre et le lointain en tension tout en les réunissant.

Quel traitement doit-on réserver au patrimoine moderne qui ne répond plus aux normes actuelles?
C’est l’autre grand chantier que j’aimerais lancer : la rénovation des bâtiments des années 1950. L’inventaire de ces objets architecturaux vient d’être achevé par l’ancien architecte cantonal, Bernard Attinger et l’architecte sédunois Pierre Cagna ; ce patrimoine méconnu est d’une grande richesse.
Cette architecture, à la fois modeste et intelligente, a aujourd’hui tendance à disparaître, en raison des nouvelles prescriptions thermiques. La solution de facilité consiste à les envelopper d’un périphérique qui dénature totalement ce qui a été réalisé auparavant, particulièrement les éléments en relief qui caractérisent et scandent les façades animées par leurs ombres portées. Pour la rénovation d’une ancienne école des années 1950, les architectes Laurent Savioz et Claude Fabrizzi ont démontré qu’il était possible de répondre aux nouvelles exigences thermiques sans pour autant modifier les façades du bâtiment. L’idée étant d’établir un catalogue des détails techniques pouvant être remis à tout propriétaire concerné par ce genre de bâtiment.
La richesse du quotidien me tient en éveil et m’inspire.

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