L’ANRU, un système de démolition
Créée en 2003 suite aux émeutes des banlieues, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) mise sur la démolition-reconstruction massive des quartiers défavorisés. Vingt ans après, ce choix controversé continue de faire des ravages sociaux et environnementaux.
En réponse au «malaise des banlieues» qui s’est exprimé avec violence lors des émeutes des années 1990 dans plusieurs quartiers de France, la loi Borloo de 2003 a créé l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), un organisme de financement des projets de renouvellement urbain portés par des communes ou des communautés de communes. L’objectif principal – le second étant le développement durable – est alors de réintroduire de la mixité sociale dans ces quartiers paupérisés considérés comme des ghettos en y attirant des populations plus aisées. Pour y parvenir, il faut commencer par en changer l’image très dégradée en démolissant un habitat jugé criminogène – les tours et les barres – pour y substituer un ersatz de ville classique avec des rues, des petits immeubles avec des espaces résidentiels privatifs ou des maisons individuelles avec jardin. Ces nouvelles formes urbaines proposent des produits immobiliers adaptés à l’objectif: des logements intermédiaires, à loyers libres et en accession à la propriété, tandis que les habitants des immeubles démolis sont déplacés-dispersés dans d’autres quartiers des agglomérations. Se met ainsi en place une vaste entreprise d’effacement de l’héritage encombrant de la reconstruction, témoignant d’une croyance naïve, «moderne», dans la résolution de problèmes socio-économiques par l’urbanisme et l’aménagement.
Une ville nouvelle pour une vie nouvelle…
20 ans après la création de l’ANRU, 175 000 logements ont été démolis (dont 164400 logements sociaux), 223000 logements produits (dont 142000 logements sociaux et 81000 logements au titre de la diversification de l’habitat) et 408500 logements réhabilités. Si la qualité de vie dans certains quartiers a été améliorée, avec notamment des projets importants de réaménagement des espaces publics et des rénovations, il n’en reste pas moins que le système de financement de l’ANRU repose encore sur la démolition-reconstruction. L’Agence, parce qu’elle subventionne les démolitions plus que les autres postes, encourage les élus, les bailleurs et les architectes-urbanistes à proposer des projets qui vont dans ce sens.
Aujourd’hui, alors même que les résultats de la politique de mixité sociale sont sujets à caution et que le contexte – notamment les réglementations énergétiques – a évolué, le système de démolition-reconstruction continue de faire des ravages, sociaux et environnementaux, dans les banlieues françaises. Une mission de préfiguration de la troisième phase de l’ANRU a récemment produit un rapport, non encore rendu public, qui ouvrira peut-être de nouvelles voies, plus soucieuses des habitants et de l’existant.
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Tour de France du patrimoine en danger
Exemple 1: La Butte Rouge, Châtenay-Malabry, 1931-1965
Exemple 2: Epoisses, Besançon, 1963-1970
Exemple 3: Étouvie, Amiens, 1956-1976
Exemple 4: Alma Gare, Roubaix, 1975-1982