Durabilité, sobriété et circularité : le FC Venoge engrange trois points
Infrastructures sportives, Daillens (VD)
Quand un maître d’ouvrage décide de construire de manière exemplaire et durable, il ouvre un superbe champ d’investigation pour ses mandataires. La petite commune de Daillens (VD) cherchait à remplacer les vestiaires du FC Venoge. Le programme manquait-il d’envergure ? Pas pour Localarchitecture qui a réalisé l’un de ses plus beaux projets.
Les contraintes posées par la Municipalité de Daillens, une commune de 1100 habitants, sont assez vite résumées : proposer des espaces à destination des associations sportives, clubs de pétanque et de football, animer la vie dans le village en multipliant les prétextes de rencontres, éloigner les nuisances sonores des zones riveraines, être exemplaire en matière de durabilité. Le syndic et député Alberto Mocchi, ex-président des Vert·es vaudois·es et actuel directeur de Pro Natura Vaud, souhaitait par ce projet inciter d’autres communes à s’investir avec le même sérieux dans la construction écologique, en démontrant la faisabilité de pratiques constructives alternatives, beaucoup plus respectueuses de l’environnement.
Entre champs et forêts
Posé le long du terrain de football de Daillens, un élégant pavillon en bois se développe de part et d’autre de l’axe central du terrain dont il reprend la symétrie jusque dans son organisation. Les architectes placent quatre volumes sous un toit unique, en disposant les vestiaires des deux équipes à l’opposé les uns des autres. La buvette en position centrale réunit symboliquement les sportifs à la fin du match pour discuter des plus belles actions et dissiper les dernières velléités. En raison de terrains inondables, le pavillon a été détaché du sol. La coursive qui le dessert offre un banc aux supporters du FC Venoge à l’abri du soleil et des intempéries. Sur le pignon sud, en prolongement des terrains de sable, un local est réservé aux joueurs de pétanque. Au nord, des toilettes publiques font face à une nouvelle place de jeux. Le long toit en tôle est découpé d’un large arrondi qui lui donne plus de nervosité et marque l’axe central. Des vues cadrées s’offrent sur le paysage. La silhouette du pavillon s’adosse à l’arrière-fond bleuté des montagnes boisées du Jura. Elle s’insère avec délicatesse dans un décor champêtre idyllique.
Un contexte agricole inspirant
Les quatre volumes sont revêtus de lames de mélèze provenant de la forêt communale. Ils sont isolés de bottes de paille fournies par les agriculteurs du village. Le mode constructif, basé sur l’empilement de couches, reste aussi lisible que possible et cherche la simplicité, à l’image des hangars agricoles environnants. Le contexte économique local a fortement pesé dans les choix architecturaux. En cherchant une solution qui s’inscrive avec justesse dans cet environnement agricole, l’implication et l’écoute de chacun des partenaires du projet ont fait la différence, traçant pour beaucoup une voie inexplorée. Les limites entre les rôles sont devenues floues, chacun se chargeant des tâches inhabituelles à accomplir. L’architecte a participé au martelage des arbres au début de l’hiver tandis que le syndic discutait du stockage des bottes de paille avec les agriculteurs.
Du mélèze indigène et des bottes de paille
Le mélèze est une essence à croissance lente qui offre un bois dense et résistant. Capable de vivre jusqu’à 800 ans, l’arbre fait partie de ces ancêtres qui poussaient déjà il y a 60 millions d’années. Le conifère, qui renouvelle ses aiguilles chaque année, se retrouve habituellement dans les régions alpines à une altitude supérieure à 1400 m. S’il est parfois utilisé comme bois de construction, il est plus apprécié aujourd’hui comme revêtement ou bardeau, puisqu’il résiste aux intempéries sans traitement chimique complémentaire. Étonnamment, quelques plantations de cette essence étaient présentes dans les forêts de Daillens, à 500 m d’altitude. Les 45 m3 de grumes prélevés ont été sciés à Corbeyrier (VD), puis assemblés sur le chantier, le tout se déroulant dans un périmètre de moins de 100 km. Le charpentier a préfabriqué les cadres de façade, de plancher et de toiture dans son atelier à Collombey-Muraz (VS). Pour manipuler les bottes de paille, il a sorti le maillet afin d’enfoncer les plus récalcitrantes et s’est fabriqué un nécessaire à couture pour retendre les cordes assurant la bonne densité des bottes. Il a fallu réserver 1200 bottes de paille pour isoler les faces des quatre volumes. Deux agriculteurs ont été mis à contribution. Les bottes qui mesurent 36 × 47 × 80-120 cm ont l’avantage d’être manipulables par une seule personne. Ces grosses briques ont conditionné les dimensions du projet, définissant jusqu’à l’entraxe des cadres en bois dont la géométrie se répète en se transformant plus de trente fois, formant une saccade hypnotique lorsqu’on parcourt la coursive. La paille a été séchée dans les champs alentour. Les bottes ont ensuite été fabriquées à partir d’une vieille botteleuse remise en fonction. Avec la mécanisation des gestes de l’agriculteur, de tels engins sont devenus rares.
Une histoire d’eau et d’air
L’humidité étant le principal problème de la paille – et du bois du reste – architecte et ingénieur bois ont tenu compte de cette contrainte qui nécessitait de bien ventiler les parties d’ouvrage. En façade, les panneaux du revêtement s’écartent pour mieux laisser passer l’air susceptible d’assécher la moindre infiltration d’eau. L’expressivité est celle de la légèreté. Les fondations en béton, réduites au strict nécessaire, sont matérialisées par des longrines qui laissent circuler l’air. La toiture froide constituée de tôles métalliques brillantes est détachée de la couche isolante. L’eau y est récoltée puis infiltrée dans le sol à l’avant par une longue gouttière menant à deux chenaux latéraux qui semblent suspendus dans l’air. À l’arrière, du côté des champs, les architectes ont laissé s’exprimer librement la nature, sans contraindre le chemin de l’eau. Lors d’un orage, un rideau de pluie glisse du toit au sol en délimitant deux tons de graviers, sec et humide.
Circularité et réversibilité
La terre d’excavation provenant du chantier a été valorisée sur place. Elle forme au nord une petite butte propice au jeu des enfants et crée un monticule de l’autre côté du terrain de football, à l’emplacement des anciens vestiaires, afin de réduire la propagation des clameurs vers les habitations. Un ancien abri de touche est réemployé pour servir de protection à la pompe à chaleur, tandis qu’un reste de tôle de la toiture habille le bar de la buvette. Les vestiaires, aux couleurs du FC Venoge, ont été conçus avec simplicité, en laissant visibles les panneaux de fibres de bois (sans formaldéhyde) du gros œuvre. Tous les détails ont été conçus pour que les éléments soient facilement démontables et réutilisables, des fixations des dalles en béton jusqu’à l’assemblage de la toiture et de ses panneaux photovoltaïques. D’une surface de 363 m2, ces derniers suffisent à l’autonomie électrique du projet et renvoient le surplus dans le réseau. Répondant à la norme Minergie-P Eco, l’infrastructure est équipée d’un double flux qui court le long d’un vide sanitaire placé sous la toiture afin d’évacuer rapidement l’humidité des douches.
Ce projet déjà distingué par le Lapin de bronze en Architecture de Hochparterre fait clairement œuvre de démonstrateur. Mais le plus réjouissant est peut-être de découvrir la manière dont les architectes ont su montrer que l’esthétique n’était pas un parent pauvre, même lorsqu’il s’agit d’opérer des choix techniques et environnementaux.
Infrastructures sportives, Daillens (VD)
Maîtrise d’ouvrage : Commune de Daillens
Architecture et direction de travaux : Localarchitecture, Lausanne / Zurich
Ingénierie civile : 2M Ingénierie Civile, Yverdon-les-Bains
Ingénierie bois : Cambium ingénierie, Yverdon-les-Bains
Architecte paysagiste : Pascal Heyraud, Neuchâtel
Entreprise charpente : Amédée Berrut Construction bois, Collombey-Muraz
Préfabrication : Préfabriqué, Neuchâtel
Menuiserie extérieure : Gindraux, Le Mont-sur-Lausanne
Menuiserie intérieure : Gallarotti, Carouge
Scierie : Scierie de Corbeyrier, Roche
Concours : 2020
Réalisation : 2024
Surface : 690 m2
Coût HT CFC2 : 2.9 mio CHF