Comme à la mai­son

Plusieurs études ont analysé la relation entre l’environnement physique hospitalier dans lequel un patient se trouve durant son séjour et sa guérison. La réalisation de CLR Architectes explore cette thématique architecturale pour la Maison de l’enfance et de l’adolescence (MEA) des HUG à Genève.

Date de publication
07-01-2025

La Maison de l’enfance et de l’adolescence (MEA) prend place sur la parcelle de l’ancienne clinique dentaire, en continuité du site des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), et à proximité immédiate de la maternité, de l’hôpital des enfants et des urgences pédiatriques. Elle réunit quatre pôles majeurs dédiés aux soins, répartis selon les étages du bâtiment: psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, médecine de l’adolescent et du jeune adulte, surcharge pondérale et obésité chez l’enfant et l’adolescent, et enfin enseignement et recherche. Auparavant dispersés aux quatre coins de la ville et cachés du grand public, ces services sont désormais regroupés au cœur de la cité, favorisant l’acceptation et la reconnaissance des troubles mentaux comme de réelles maladies, nécessitant donc des soins.

En 2017, le projet a reçu le premier prix du concours à deux degrés lancé un an plus tôt. L’implantation choisie reflète la volonté d’intégrer la MEA dans le tissu urbain, composé principalement du complexe hospitalier, d’une école primaire et de bâtiments de logements du 19e siècle. La trame des façades est répétitive et régulière, et cadre la perspective du boulevard de la Cluse. Aux prémices du projet, le volume est imaginé comme un cube taillé: le long du boulevard, afin de s’aligner sur l’école primaire adjacente; au nord, pour éviter une confrontation trop étroite avec la maternité ; et à l’ouest, pour libérer un jardin dans le prolongement de celui l’hôpital des enfants. La réflexion urbaine, avec ces retraits et alignements, s’est avérée cruciale pour les architectes. Elle génère un plan déhanché qui propose des situations et vues particulières depuis les différentes zones du projet. Selon Patrick Longchamp, co-fondateur du bureau CLR Architectes, l’un des défis majeurs a été de trouver une synergie entre le particularisme des différents programmes et l’harmonie générale recherchée dans le projet.

Un lieu de vie et d’ouverture

En pénétrant dans la maison depuis l’entrée principale, via un portique qui fait écho à celui de l’école que l’on aperçoit un peu plus au loin, l’ambiance est à mi-chemin entre un centre culturel et un centre de soins hospitalier. Un mur de béton brut percé de petits points de lumière, des formes imaginaires en laiton incrustées au sol ou encore le mobilier coloré issu de la récupération immergent l’usager dans une atmosphère inattendue.

Le rez-de-chaussée est un espace ouvert au public, dessiné de manière poreuse avec des ouvertures sur la rue à l’ouest et sur le jardin à l’est. Conçu comme un plan libre, il favorise la rencontre et les interactions sociales. Les étages supérieurs relèvent quant à eux du semi-privé et du privé, et accueillent autant des séjours longs que des consultations ponctuelles ou régulières. En se dotant d’un café, d’un petit cinéma, d’une salle polyvalente flexible, d’un studio de radio, d’une salle de danse et rythmique, ou encore d’un Bioscope1, le projet cherche, aussi par le programme, à s’ouvrir sur l’extérieur et à devenir bien plus qu’un hôpital standard.

Perceptions sensibles

L’implantation du bâtiment et les différents retraits permettent des vues et des dégagements tout à fait uniques. Les architectes ont joué de cela, en décalant, un étage sur deux, la position des espaces de distribution. Ainsi, une vue différente se révèle à chaque palier et au bout de chaque couloir. Cela participe grandement à la sensation de redécouvrir le quartier à des hauteurs inhabituelles, mais permet aussi, de manière didactique, de faire comprendre la relation du bâtiment avec son contexte urbain. Par exemple, la vue depuis la façade ouest en direction de l’école juxtapose les pilastres cannelés aux teintes pierreuses de la façade de la MEA aux murs de pierres rustiques de l’établissement scolaire.

Les pigments de couleurs que l’on retrouve sur ces murs ont été intégrés aux pilastres afin de faire un rappel aux bâtiments voisins. Les éléments plus foncés de la façade et leurs proportions font également écho aux toitures environnantes ainsi qu’aux logements qui font face à l’édifice. On découvre ainsi, tout au long du parcours à travers ce bâtiment, des perceptions qui accentuent la relation qu’entretient le projet avec son environnement et qui lui permettent de se fondre adroitement dans son lieu.

Domesticité

Les architectes ont thématisé la notion d’intimité et de moment pour soi en plusieurs occasions. La déclinaison d’alcôves s’inscrit dans cette lignée-là, par exemple avec celle qui encadre une ouverture donnant sur la salle polyvalente depuis l’entrée nord, ou celles situées à chaque étage, avec des formes variées qui rappellent l’image de la cabane, de la niche. À l’entrée de la MEA, des gradins en bois couverts d’un toit à deux pans creusés dans le béton offrent aux jeunes un espace dans lequel ils peuvent prendre un moment pour lire, discuter, partager. Au quatrième étage, on retrouve également une intervention similaire, avec un élément qui casse l’orthogonalité du couloir pour former un sous-espace aux dimensions réduites, traité avec du verre coloré. Les linteaux des fenêtres, autant dans les couloirs que dans les chambres, sont soignés avec des rebords épais qui forment des banquettes. Ces éléments ramènent ainsi l’échelle imposante du bâtiment à une dimension plus domestique.

Le traitement du sol a aussi revêtu une importance toute particulière dans la recherche du commun et de la domesticité des espaces. De manière originale et inhabituelle, un parquet est posé en bâtons rompus dans tous les couloirs. Selon les architectes, il s’agit d’un matériau essentiel pour l’atmosphère du projet, qui apaise l’échelle. L’entretien est certes un peu plus exigeant, mais la volonté est de renvoyer l’image d’un bâtiment hospitalier à échelle humaine, bien que la surface totale atteigne près de 16 000 m2. On retrouve également le parquet en pose droite dans les bureaux. Le bois est aussi employé pour les portes, les parties ouvrantes des façades, les cadres des parties fixes, et les tablettes des niches et des banquettes. La chaleur du matériau apporte un réconfort soigneusement recherché par les architectes.

D’autres objets s’ajoutent à cette intention, notamment avec des éléments habituellement purement fonctionnels. La cage, peinte en figurant un dégradé de couleur d’un étage à l’autre, est dotée d’un usage plus ludique. Les grilles des loggias, qui ont à l’origine un rôle strictement sécuritaire, sont devenues le support de plantes grimpantes, donnant vie à la façade.

De par les différents éléments mentionnés, la Maison de l’enfance et de l’adolescence s’inscrit dans la perspective d’offrir un environnement architectural favorisant la guérison du patient. Les soins dispensés par l’établissement se mêlent de la manière la plus douce au soin porté par les architectes à tous les détails du projet, qui donnent le sentiment de s’y sentir comme à la maison.

Notes

 

1. Espace dédié à des ateliers scientifiques qui accueille les jeunes de la MEA, mais également des élèves des différents cycles d’orientation du canton

Maison de l’enfance et de l’adolescence (GE)

 

Maîtrise d’ouvrage: Hôpitaux universitaires de Genève

 

Architectes: CLR Architectes

 

Paysagistes: Pascal Heyraud

 

Ingénieurs: ab ingénieurs et Amstein & Walthert

 

Acoustique: Architecture & Acoustique

 

Concours: 2017

 

Réalisation: 2020-2023

 

Date livraison: 2023

 

Surface de plancher: 15 472 m2

 

Coût des travaux: 64 mio CHF

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