Extension du collège de la Sallaz…
…et du domaine du patrimoine
Le concours pour l’extension de ce charmant collège des années 1950 a généré des réponses originales pour aborder la sobriété. Une entrée soulève également une question de fond passionnante
sur notre rapport au patrimoine.
Très rigoureusement organisé par la Ville de Lausanne, le concours ouvert (SIA142) pour l’extension du collège de la Sallaz a couronné un projet au plan efficace, clair, évident. Puis il a classé une palette de réponses inventives et originales pour construire avec sobriété, dont un projet qui ose la pierre massive (4e rang). Enfin, ce concours a soulevé des questions aussi passionnantes que récurrentes.
Qu’inscrit-on au patrimoine, une image ou une idée? Un lieu ou un projet? Une matière ou une technique? Rien que pour les avoir soulevées, une équipe du concours (Deschenaux Architectes, Madeleine architectes et 2401 Ingénieur·es civil·es) aurait peut-être mérité la mention. Mais si le jury n’a pas classé la proposition, il ne l’a pas écartée non plus du jugement. Car ce projet déroge, dérange: au lieu de s’implanter dans le petit péri- mètre déterminé par l’étude préalable, il surélève les deux bâtiments existants, classés au patrimoine.
Souvenir du temps où les écoles étaient surélevées
Pourtant ce geste pourrait s’inscrire dans la continuité de ce qui a été conçu ici il y a septante ans. Dans le numéro 81/1955 du Bulletin technique de la Suisse romande (l’ancêtre de TRACÉS), Louis Roux, l’architecte EPF SIA FAS auteur de ce joli collège pavillonnaire, expliquait que le bâtiment des classes était conçu de manière à pouvoir être surélevé (d’où les toitures froides et une dalle sommitale identique à celle du 1er niveau). En plein baby-boom, cette approche s’imposait. La Ville venait par ailleurs de terminer la surélévation de deux vénérables col- lèges lausannois, celui de Saint-Roch (1874) et celui de Beaulieu (1891). Personne ne s’en offusque aujourd’hui, car ces étages supplémentaires exécutés avec soin ne trahissent en rien l’es- prit des deux édifices classiques. Mais dans le cas de la Sallaz, Louis Roux avait-il anticipé l’évolution des besoins de l’école ou a-t-il répondu à une exigence des autorités? La surélévation est- elle une option ou un projet? Et quand bien même, l’intention de l’architecte suffit-elle à justifier aujourd’hui le geste?
Patrimoine au passé, patrimoine au futur
Si la conservation patrimoniale reposait uniquement sur la volonté des architectes, bien des ouvrages anonymes ne seraient plus là. L’ancienneté, la situation, la singularité, l’affection qu’on lui porte aussi – tout cela forme l’esprit d’un lieu qu’on choisit de protéger. On ne naît pas patrimoine, on le devient! Ainsi, c’estaprès quelques décennies que cette petite école croquignolette dessinée à l’échelle de l’enfance reçoit la note 2 au recensement cantonal – son jardin la note 1 au classement de l’ICOMOS. «Cette école, par le traitement de la construction basse et incurvée autant que par l’aménagement de l’espace extérieur arborisé donne une impression d’intimité et de protection», écrit l’historienne Geneviève Heller. Une surélévation d’un étage, pourrait-elle rompre ce charmant tableau?
D’un autre côté, on se demande : avons-nous le luxe de nous poser encore de telles questions? Surélever ici n’est pas une idée en l’air, c’est une question plus profonde. La variante étudiée par l'équipe jusqu’au moindre détail comporte des avantages évidents: économie de matière, de fondations, de terrain et d’énergie grise. Le projet exploite le patrimoine non comme un obstacle, mais comme une ressource, comme un support, littéralement. Le patrimoine qu’il considère s’étend bien au-delà du domaine que l’on protège avec nos inventaires; il couvre la Terre entière.
Nous laissons au lectorat le soin de méditer ces questions et remercions les organisateurs et les participants du concours de nous les avoir soumises. Tous les résultats ainsi que le rapport du jury sont disponibles sur la plateforme competitions.espazium.ch à cette adresse.
EXTENSION DU COLLÈGE DE LA SALLAZ (VD)
Maître d’ouvrage: Ville de Lausanne
Procédure: Concours d’architecture et d’ingénierie civile à un degré en procédure ouverte, selon règlement SIA 142
1er rang/1er prix: Kairos, GNWA – Gonzalo Neri & Weck Architekten, Zurich et WaltGalmarini, Zurich
2e rang/2e prix: rololoro, Aeby Perneger & Associés, Lausanne et Ingphi, Lausanne
3e rang/3e prix: Tetris, Esposito + Javet architectes, Lausanne et Sollertia, Monthey
4e rang/4e prix: Ciel, groupement temporaire fala ate- lier & continentale, Porto/Zurich et Le Collectif, Carouge
5e rang/5e prix: E Pluribus Unum, Marzano Polikar architectes, Pully et co-struct, Zurich
6e rang/6e prix: Résine, Studio4, Lausanne et MFIC Ingénieurs civils, Ecublens