Droit de la concurrence: signal positif pour la «Value app»
Une longue accalmie a succédé au retrait de la formule de calcul des honoraires basée sur le coût de l’ouvrage. Le 28 avril prochain, le sujet reviendra sur le tapis, puisque l’Assemblée des délégués de la SIA décidera du futur de la «Value app», l’une des mesures compensatoires du dispositif mis en place par l’association pour faciliter l’établissement des honoraires. En attendant le dénouement, l’avis rendu par la Commission de la concurrence (COMCO) est de bon augure.
L’histoire est maintenant entrée dans les annales: en raison de l’intervention de la COMCO, la SIA a dû retirer son modèle de calcul des honoraires selon le temps nécessaire basé sur le coût de l’ouvrage de ses règlements concernant les prestations et les honoraires (RPH), puis, fin 2019, les aides au calcul provisoires qu’elle avait mises en place suite à ce retrait. Elle s’est alors attelée à l’élaboration d’alternatives conformes au droit des cartels, proposant notamment des cours consacrés à la détermination des honoraires. C’est dans ce contexte que la «Value app», à l’origine développée par la chaire d’architecture et de processus de construction de l’ETH Zurich afin d’offrir aux étudiants en architecture un outil qui les aide à estimer la valeur d’une prestation d’études, a attiré l’attention de la SIA.
Échaudée par ces turbulences légales, la SIA a identifié le potentiel de cet instrument pour combler la faille laissée par la suppression de l’ancienne formule de calcul sans risquer de nouveaux démêlés juridiques et noué un partenariat avec l’ETH. Cette collaboration s’est révélée fructueuse : une version suffisamment aboutie pour être utilisée par des architectes a ainsi été mise au point. La prochaine étape consistera à décliner l’application pour les autres disciplines SIA, soit le génie civil, les techniques du bâtiment et l’architecture paysagère.
Socle statistique
Au stade actuel de son développement, la «Value app» se compose de trois modules – «description», «projet» et «prestation» – qui permettent de cerner plus précisément le volume d’une prestation à fournir. Les deux premiers permettent de se faire une idée claire du projet. La surface de plancher constitue le paramètre déterminant, avec d’autres facteurs tels que l’emplacement, la nature de la tâche, le type d’affectation, le niveau de complexité, la pondération des risques et les exigences de qualité. Durant la phase de développement, quelque 900 entrées de la banque de données de référence «werk-material.online» ont alimenté et validé le modèle de la «Value app». Le modèle s’appuyant sur des données empiriques, le lien entre les données sous-jacentes à l’application et les projets des utilisateurs repose sur une base concrète et objective. Le module «prestation» se fonde sur les formes organisationnelles, les rôles et les descriptifs des prestations des RPH et permet, en tenant compte des données fournies dans les deux modules précités, de quantifier le nombre d’heures de travail nécessaires à la réalisation d’une prestation. La valeur ainsi établie est alors combinée à un taux horaire estimé individuellement et indépendamment de l’application, pour servir, par exemple, lors de la formulation d’un contrat.
La «Value app» n’en serait pas à ce stade de développement aujourd’hui si quelque cent membres de la SIA n’avaient réalisé des tests pratiques pour valider la méthode et éprouvé la justesse des données de l’application en faisant des simulations avec certains de leurs projets achevés. Grâce à leur participation, l’équipe de développement de l’application est parvenue à affiner l’estimation des heures nécessaires pour des objets spécifiques, par exemple des coursives d’accès qui ne peuvent être calculées comme surface de plancher. Pour les très petits projets et les cas bien particuliers, l’estimation de l’application présente parfois encore d’importants écarts par rapport au temps de travail réel. Des données supplémentaires couvrant ces cas de figure doivent venir compléter le corpus de référence sur lequel se base l’application.
Conformité légale: la condition sine qua non
Après avoir été dans le viseur de la COMCO et avoir dû retirer sa formule de calcul des honoraires basée sur le coût de l’ouvrage, il s’agit pour la SIA de mettre à disposition de ses membres un outil non seulement pratique, mais aussi conforme d’un point de vue réglementaire. Contrairement à l’ancienne formule de calcul de l’article 7 des RPH, la «Value app» fait appel, en arrière-plan, à des bases statistiques. Grâce à des critères intelligibles pouvant être définis individuellement, l’application favorise la transparence et le dialogue entre mandants et mandataires lors de la conclusion du contrat. De ce fait, les partenaires contractuels peuvent définir eux-mêmes les paramètres concurrentiels. À l’avenir, le socle de données existant sera étoffé en faisant appel aux usagers ainsi qu’à un gestionnaire de données, chargé de les administrer de manière anonyme et fiduciaire. La pertinence des paramètres utilisés sera ainsi vérifiée en continu, ce qui illustre l’importance accordée à la conformité au droit des cartels lors du développement de l’application.
Afin de vérifier qu’il est bien respecté, la SIA a monté une task force à l’automne passé et a soumis une demande de consultation auprès de la COMCO au début de l’année. Bonne nouvelle: dans sa réponse rendue publique ces prochains jours, la COMCO estime que l’application est conforme au droit de la concurrence. Concrètement, elle est parvenue à la conclusion que la volonté de la SIA de poursuivre le développement de la «Value app» et de la mettre à la disposition de la branche des études sans favoriser ses membres ne devrait pas entraver la concurrence et que l’outil est licite du point du vue du droit des cartels. L’avis rendu par l’étude Kellerhals Carrard à la demande de la SIA confirme que le retour de la COMCO est très positif et indique que le projet devrait être mené à son terme.
Cette recommandation arrive à point nommé. Lors de l’Assemblée du 28 avril, les délégués de la SIA auront à décider si la Société doit maintenir son engagement en vue de la poursuite du développement de l’application – entre autres en la déclinant pour le génie civil, les techniques du bâtiment et l’architecture paysagère – ou si le projet doit être stoppé net.