SIA: Contre les concours déloyaux
Suite à l’intervention réussie des associations professionnelles tessinoises contre le concours pour le nouvel Institut de Recherche Biomédicale (IRB) de Bellinzone, le marché a été remis au concours. Que critiquaient les opposants au programme du concours d’origine?
La réussite de l’intervention contre le programme de concours de la nouvelle construction de l’IRB montre la voie non seulement pour les architectes et les ingénieurs du Tessin mais également pour les mandataires de toute la Suisse. La plainte déposée par plus de 80 mandataires et l’intervention subséquente de la Conferenza dell’Associazioni Tecniche del Canton Ticino (CAT) auront des répercussions importantes sur le système des concours. Avoir autant de plaignants constitue une exception comme la Suisse n’en a jamais connue. Les opposants au projet voulaient donner un signal fort aux pouvoirs adjudicateurs et aux collègues architectes et ingénieurs : le concours de projets reste aujourd’hui encore l’instrument idéal pour trouver le meilleur projet. Il doit être préparé et réalisé de manière correcte, équitable et loyale.
Malheureusement, depuis des années, les pouvoirs adjudicateurs publics et privés acquièrent de plus en plus souvent des prestations d’architecture et d’ingénierie de manière inappropriée, inéquitable et déloyale. Avec la plainte déposée contre le concours IRB et l’intervention des associations professionnelles, les mandataires tessinois voulaient donner un signal fort et mettre un terme à cette tendance inacceptable.
Les manières de procéder suivantes sont par exemple injustifiées et intolérables : demander aux participants de plus en plus de prestations qui n’ont rien à voir avec la solution recherchée; imposer des critères de sélection de plus en plus restrictifs en se basant sur l’idée fausse que seuls les meilleurs soumissionnaires seront ainsi sélectionnés ; interdire la participation multiple de mandataires et restreindre ainsi leur participation à quelques équipes ; exiger des participants de plus en plus de prestations préalables relevant du mandat ultérieur et non du concours ; définir des faibles sommes globales des prix ne correspondant en aucun cas aux prestations exigées ; restreindre le mandat annoncé à des prestations partielles minimales ; exiger le respect d’un plafond de coûts de toute évidence irréaliste ; définir des critères d’évaluation inadaptés pour la tâche fixée et ne pas respecter les droits d’auteur pour ne citer que les dérives principales.
Au vu de l’expérience importante acquise dans le domaine des concours de projets, il est étrange qu’un concours présente soudain des défectuosités aussi graves il s’agit là d’une évolution intolérable. Quelles sont les causes de ce mal ? Le problème est principalement imputable aux mandataires-conseil chargés de l’organisation du concours et aux membres du jury. Les pouvoirs adjudicateurs prennent certes la décision finale, mais ils doivent pouvoir se fier aux compétences techniques et organisationnelles des mandataires-conseil choisis. Le choix de l’organisateur du concours et des membres du jury est ainsi décisif. Ces acteurs jouent un rôle clé dans le déroulement du concours et la réussite du projet !
Or, la pratique montre que l’organisateur du concours n’a souvent pas conscience de sa responsabilité et qu’il assure la réalisation du concours sans disposer des compétences organisationnelles et professionnelles requises et sans connaître la toile de fond culturelle de cette forme de mise en concurrence. Les compétences nécessaires peuvent être obtenues en participant à des cours de formation continue. Une bonne base est aussi constituée par les lignes directrices de la SIA (www.sia.ch/142i). On peut acquérir progressivement la base culturelle en participant activement à des concours, en discutant avec des collègues et en suivant de près l’évolution du système des concours.
Mais tout cela ne suffit pas. Les mandataires-conseil doivent également être en mesure de conseiller le pouvoir adjudicateur en fonction du cas d’espèce et en prenant en compte les directives relatives aux concours susmentionnées (p. ex. le règlement SIA 142 et les lignes directrices de la SIA), afin que le concours puisse se dérouler équitablement dans l’intérêt du pouvoir adjudicateur et des participants.
Seul un mandataire-conseil disposant de ces compétences organisationnelles, professionnelles et culturelles peut garantir la réussite du concours au pouvoir adjudicateur.
Les exigences mentionnées pour l’organisation de concours s’appliquent par analogie également pour les membres du jury. Ces derniers oublient souvent qu’ils sont responsables du bon déroulement du concours vis-à-vis du pouvoir adjudicateur et des participants. Les membres du jury doivent notamment être actifs dès la phase de préparation du programme qu’ils doivent approuver. Ils doivent surtout insister pour que les dispositions nuisant à la culture des concours soient modifiées.
Les tenants et aboutissants susmentionnés ont été exposés dans le cadre de l’intervention contre le programme de concours d’origine de l’IRB, ce qui a permis en fin de compte de modifier le programme du concours. Même si ce qui a été atteint à court terme n’est pas encore satisfaisant à tous les égards, les conséquences à long terme devraient être importantes : les associations professionnelles et les pouvoirs adjudicateurs vont réaliser ensemble des programmes de concours uniformisés, des cours de formation doivent être proposés au cours de ces prochains mois, le conseil des pouvoirs adjudicateurs doit être amélioré et le contrôle doit être renforcé. Ce train de mesures est non seulement dans l’intérêt des pouvoirs adjudicateurs et des participants, mais il permet aussi de préserver l’intérêt public.